Comptes bancaires des enfants vidés par un parent : la banque condamnée à indemniser

L’autorité parentale et la gestion des biens de l’enfant

Dès la naissance d’un enfant, ses parents détiennent l’autorité parentale ainsi que le pouvoir d’administrer ses biens. Ces règles sont prévues aux articles 382 et suivants du Code civil.

En général, un enfant possède peu de biens dans ses premières années, sauf cas exceptionnels (enfants de célébrités, par exemple). Son patrimoine se limite le plus souvent à un compte bancaire, alimenté par des dons (anniversaires, Noël, etc.) ou des économies.

Les comptes bancaires ouverts au nom de l’enfant

Certains parents ouvrent des comptes au nom de leurs enfants afin de bénéficier de taux d’intérêts avantageux proposés par certains livrets, dont la détention est limitée à un exemplaire par personne.

Ils y déposent alors des sommes, parfois importantes, dans l’attente d’un projet, dans le but de générer des intérêts.

Une administration conjointe des biens de l’enfant

Tout comme l’autorité parentale, l’administration légale des biens du mineur est conjointe : chaque parent dispose des mêmes pouvoirs de gestion.

Cela ne pose généralement pas de problème tant que les parents vivent ensemble. Mais les choses se compliquent en cas de séparation.

Le compte de l’enfant : un bien personnel ou commun ?

La question a été soulevée : les sommes déposées sur un compte au nom de l’enfant doivent-elles être considérées comme des biens communs (dans le cadre d’un mariage sans contrat) ou comme appartenant en propre à l’enfant ?

La Cour de cassation a précisé, par une série d’arrêts, que les juges doivent rechercher l’intention des parents. Si ceux-ci ont déposé l’argent avec la volonté claire de s’en déposséder définitivement, il s’agit alors d’une donation : les fonds appartiennent à l’enfant et ne sont pas à partager lors d’un divorce.

La jouissance légale des biens et ses limites

Lorsque les biens appartiennent au mineur, les parents peuvent les administrer et bénéficier d’une jouissance légale, c’est-à-dire percevoir les revenus (intérêts, loyers, etc.) générés par ces biens pour eux-mêmes. Ce droit cesse aux 16 ans de l’enfant.

L’administration, elle, demeure jusqu’à sa majorité et doit être exercée de manière prudente, diligente et dans l’intérêt exclusif du mineur.

Une faille juridique dans l’administration conjointe

L’article 382-1 du Code civil précise que lorsque l’administration est conjointe, chacun des parents est réputé avoir reçu pouvoir de l’autre pour gérer seul les biens du mineur.

Conséquence : même séparé, un parent peut agir seul sur les comptes de l’enfant sans l’accord explicite de l’autre.

Les dérives en cas de séparation

Il n’est malheureusement pas rare de voir, à la suite d’une séparation conflictuelle, un parent vider les comptes des enfants, soit par vengeance, soit en estimant être le seul à avoir contribué à l’épargne.

L’arrêt de la Cour de cassation du 12 juin 2025

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a condamné une banque pour avoir permis à un père de vider les comptes de ses enfants sans en informer la mère.

Le père avait transféré près de 19 000 € sur les comptes de son entreprise. La banque, estimant qu’il avait l’administration légale, ne s’était pas opposée à l’opération.

Or, la Cour rappelle que les actes de disposition (comme les retraits massifs ou les transferts) sur les comptes des enfants doivent être effectués par les deux parents ensemble.

La banque jugée responsable

En ne demandant pas l’accord du second parent, la banque a manqué à son devoir de vigilance et a commis une faute engageant sa responsabilité civile.

Elle a donc été condamnée à indemniser les enfants pour les sommes perdues.

Une décision protectrice mais difficile à appliquer

Cette décision apporte une protection bienvenue pour les enfants. Cependant, à l’ère du tout numérique, où un virement peut se faire en un clic via une application mobile, cette exigence risque de complexifier encore davantage la gestion par les établissements bancaires.