Divorce sans juge : un premier couac pour le « fast divorce » ?
C’est une première en France. Une décision de justice est venue annuler une convention de divorce par consentement mutuel, pourtant homologuée six ans plus tôt. Une onde de choc pour les ex-époux concernés, qui se retrouvent aujourd’hui… toujours mariés. Un véritable séisme quand on sait qu’en six années, chacun a reconstruit sa vie – l’un d’eux ayant même conclu un PACS avec sa nouvelle compagne.
Depuis le 1er janvier 2017, il est possible de divorcer sans passer devant un juge, sous certaines conditions strictes. Ce dispositif, prévu pour simplifier et apaiser les séparations à l’amiable, séduit de nombreux couples par sa rapidité et son apparente facilité. Mais attention : simplicité ne doit pas rimer avec simplisme.
Un garde-fou indispensable : l’avocat
Le législateur a prévu un cadre protecteur : chaque époux doit être assisté par son propre avocat. L’objectif est clair : éviter qu’un époux, plus vulnérable sur le plan psychologique ou financier, ne se retrouve lésé dans la convention.
Ce rôle de conseil ne se limite pas à remplir des formulaires. Il exige de rencontrer le client, l’écouter, poser des questions – parfois plusieurs fois – et être attentif à ce qui n’est pas dit, pour s’assurer que les termes de la convention correspondent réellement à ses intérêts.
Or, dans la pratique, certains avocats ont parfois réduit leur rôle à une simple formalité. Profitant de la digitalisation, certains ont mis en place des plateformes en ligne permettant de divorcer presque entièrement à distance, sans réel échange avec le client.
Une affaire révélatrice des dérives possibles
Dans le cas qui nous intéresse, le jugement ne dit pas explicitement si les époux ont eu recours à une telle plateforme, mais les faits parlent d’eux-mêmes.
L’épouse, étrangère et peu à l’aise avec le français, a suivi son mari en expatriation. Elle a mis sa vie professionnelle entre parenthèses pendant seize ans pour élever leurs enfants, tandis que lui assurait les revenus du foyer.
Lorsque le couple décide de divorcer, elle fait confiance à son époux pour « gérer la paperasse » – et surtout le coût de la procédure. Le problème ? Elle n’a jamais rencontré l’avocat censé la représenter, ne l’a jamais eu au téléphone, et celui-ci n’était même pas présent lors de la signature de la convention. Il aurait signé « plus tard ».
La convention avait été préparée par l’avocat du mari, qui avait fixé le rendez-vous et convoqué les deux époux. Le nom de l’avocat de Madame aurait simplement été ajouté pour respecter formellement l’obligation de représentation distincte.
Le résultat est accablant : aucune prestation compensatoire n’a été prévue pour l’épouse – pourtant sans emploi, sans cotisation retraite, et vivant aujourd’hui des minimas sociaux. Pire encore : la convention mentionnait que le couple, marié sous le régime de la communauté, ne possédait aucun bien à partager, alors qu’ils détenaient en réalité des comptes bancaires et des placements.
Le devoir de conseil : plus que jamais essentiel
La défense du mari s’appuie sur la signature de l’épouse, preuve supposée de son consentement. Mais comment consentir à ce que l’on ignore, ou que l’on ne comprend pas ?
Ce sont des amis qui, inquiets de la situation financière de l’ex-épouse, l’ont incitée à consulter un avocat – un vrai cette fois. L’avocat a alors engagé une procédure, qui a conduit à l’annulation pure et simple du divorce. Résultat : les époux sont toujours mariés, l’avocat fantôme devra verser 2.000 € de dommages et intérêts et 2.000 € de frais de procédure. Le divorce devra être repris à zéro… et le PACS, dissous.
Il s’agit d’un jugement de première instance, un appel reste possible. Mais il est fort probable que les époux s’accordent sur une nouvelle procédure de divorce, cette fois plus équitable – et sans doute plus coûteuse pour Monsieur.
À retenir
Cette affaire illustre parfaitement les dérives possibles d’un divorce à bas coût, pensé comme une formalité rapide. En matière de divorce, le devoir de conseil de l’avocat est fondamental, notamment pour protéger les parties les plus vulnérables.
Moralité : en matière de divorce, méfiez-vous des soldes.