La séparation de biens, c’est quand même donner un peu

Il existe plusieurs types de régimes matrimoniaux.

Les deux plus connus :

  • Le régime de communauté de biens, réduite aux acquêts : c’est le régime « par défaut » lorsqu’on se marie sans contrat de mariage. La philosophie de ce régime matrimonial est que les époux choisissent de mettre en commun ce qu’ils acquièrent ensemble pendant le mariage.
  • Le régime de séparation de biens : régime sensé être l’antithèse du précédent, selon lequel la règle serait « chacun pour soi ». Il est souvent choisi dans les couples où l’un des époux exerce une profession à risques, afin de protéger le patrimoine de l’autre en cas de déconvenue professionnelle.

 

Les autres régimes sont : le régime de participation aux acquêts (qui est un mélange des deux régimes précédents) et la communauté universelle (régime très protecteur du conjoint et qui peut être un cauchemar pour les enfants).

Description dans les grandes lignes

Beaucoup d’époux seront soumis au régime de communauté de biens réduite aux acquêts, car ils n’ont pas su ou voulu aborder cette question avant le mariage.

La règle est plutôt simple : tout ce que les époux créent APRES le mariage (en actif ou en passif) est commun, c’est-à-dire qu’il est à partager par deux, au moment de la séparation.

Il y a évidemment des exceptions : restent purement personnels (et donc se récupèrent sur la communauté) :

  • les biens que possédaient chacun des époux AVANT le mariage
  • les biens que perçoivent les époux pendant le mariage, à titre de donation ou héritage.

Pour être soumis au régime de séparation de biens, il faut nécessairement avoir fait établir un contrat devant notaire avant le mariage. Si cela n’a pas été fait, il reste la possibilité de changer de régime matrimonial pendant le mariage.

Ce régime matrimonial est généralement choisi par les époux « avertis », soit parce qu’ils ont déjà été mariés (selon le dicton, « chat échaudé… » ?) , soit parce qu’ils exercent une profession qui peut, en cas de coup dur, les mener à la « faillite » et donc à la saisie de leurs biens. Le régime de séparation de biens empêche les créanciers de saisir le patrimoine enregistré au nom de l’autre époux.

Le principe est que pendant le mariage, chaque époux est réputé être propriétaire (et donc responsable) du bien (de la dette) qui est enregistré à son nom.

Ce cloisonnement strict est néanmoins largement tempéré par ce que l’on appelle le régime primaire, qui est un ensemble de droits et d’obligations communs à tous les régimes matrimoniaux, car issu de l’essence même du mariage.

Ainsi, l’article 220 alinéa 1 du Code Civil dispose que chacun des époux à le pouvoir de passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants. La conséquence est que toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.

Quand les difficultés commencent

Où se trouve la difficulté ?

Comme bien souvent, malheureusement, la difficulté nait d’un manque d’information et de compréhension des régimes matrimoniaux.

Ainsi, on rencontre à de nombreuses reprises des époux mariés sous le régime de la communauté de biens, qui ont toujours fonctionné entre eux comme s’ils étaient en séparation de biens et inversement, des époux mariés sous le régime de la séparation de biens qui ont fonctionné en communauté.

Et c’est évidemment au moment de la séparation, lorsqu’on cherche à récupérer financièrement ce que l’on a perdu affectivement, qu’on découvre comment fonctionne son régime matrimonial.

Tel est le cas de ce couple, marié sous le régime de la séparation de biens, mais qui décident d’acquérir ensemble l’immeuble qui deviendra le domicile conjugal.

Ils sont donc propriétaires à hauteur de 50 % chacun sur un même bien, un peu comme une communauté.

Comme cela est souvent le cas, l’acquisition de ce bien est financée à l’aide d’un prêt.

Il s’avère que l’époux perçoit un revenu largement supérieur à celui de son épouse. Par voie de conséquence logique, c’est lui qui paie la plus grande partie (voire la totalité) des échéances du prêt ainsi que les travaux sur l’immeuble.

Au moment de la séparation, l’épouse revendique la moitié de l’immeuble, comme le lui permet le titre de propriété qui l’institue propriétaire à 50 %.

L’époux, furieux, souhaite récupérer ce qu’il a payé au lieu et place de son conjoint pendant le mariage, estimant que le régime de séparation de biens implique que chacun doit prendre en charge les dettes qui lui incombent.

La Cour de Cassation lui répond que c’est sans compter les dispositions de l’article 214 du Code Civil (le fameux régime primaire) qui institue comme principe que chacun des époux (quel que soit le régime matrimonial) doit contribuer aux « charges du mariage » à hauteur de ses facultés.

Or, le prêt ayant servi à l’acquisition du domicile de la famille doit être considéré comme une charge du mariage.

Dès lors, l’époux percevant plus de revenus que son conjoint, il est normal qu’il ait pris à sa charge la plus grande partie du remboursement du prêt.

Injuste ou pas, la est la question ?

Quelle était la solution alors ?

En fait, le problème ne se serait jamais posé si l’époux avait acheté l’immeuble à son seul nom, et en avait payé le prêt seul, non sur un compte-joint mais sur un compte ouvert à son seul nom.

Évidemment, l’épouse  serait repartie sans rien et ce, même si elle s’était occupée de cette maison durant plusieurs années, à l’entretenir, la décorer, pour pallier son impossibilité d’assumer financièrement la moitié du prêt.

Éviter une injustice et en créer potentiellement une autre ?

Tout cela n’est définitivement pas simple. Mais la meilleure solution est encore d’en discuter avant de se marier !

Chambre civile 1 – 15 Mai 2013

 

Neary CLAUDE-LEMANT, Avocat au Barreau de Lille

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