Divorce et Facebook ne font pas bon ménage

Les réseaux sociaux, Facebook en tête, ont été une déferlante dans notre quotidien.

La magie d’internet permettait ainsi de garder un contact avec nos proches, géographiquement éloignés ; de rencontrer des inconnus par affinités, que l’on n’aurait jamais rencontré autrement ; de retrouver des gens perdus de vue ; ou enfin, de faire part de ses états d’âme sur la vie en général et sur la sienne en particulier.

Facebook est souvent conçu comme un outil de partage, permettant parfois de sortir d’un relatif isolement social.

C’est de façon fort logique que le droit, qui a notamment pour but de réglementer les interactions sociales, a été contraint de se pencher sur ce nouvel outil de communication pour en déterminer les contours juridiques.  Ce fut le cas en matière de droit de la famille et de divorce.

La question principale était de savoir si les messages que l’on poste sur Facebook, sur son « mur », pouvaient servir de preuve en matière de divorce pour faute.

Pour comprendre la problématique, il faut se reporter :

  • A l’article 259 du Code Civil qui pose le principe que les faits invoqués en tant que causes de divorce peuvent être établis par tout mode de preuve
  • A l’article 259-1 du Code Civil qui dispose qu’un époux ne peut verser aux débats un élément de preuve qu’il aurait obtenu par violence ou fraude
  • A l’article 9 du Code Civil qui rappelle que chacun a droit au respect de sa vie privée

Même si Facebook est souvent perçu par le grand public comme une sorte de « journal intime ouvert à quelques proches », on réalise parfois difficilement qu’en réalité, c’est un journal public de notre intimité, qu’on livre spontanément et volontairement, sans toujours maîtriser la personne qui reçoit l’information. Il peut par conséquent être utilisé contre nous.

Il y a des paramètres à régler pour limiter nos publications à certaines personnes, mais il s’avère que même dans ce cas, cette précaution est illusoire.

Pour comprendre tout cela, j’ai relevé trois décisions qui m’apparaissent significatives.

La première nous rappelle le mode de fonctionnement de Facebook et nous renvoie à notre propre responsabilité quant à l’audience que l’on donne à ce que l’on publie. Facebook n’est pas une messagerie privée. Le juge le rappelle ainsi :

Attendu encore que le réseau Facebook a pour objectif affiché de créer entre ses différents membres un maillage relationnel destiné à s’accroître de façon exponentielle par application du principe «les contacts de mes contacts deviennent mes contacts» et ce, afin de leur permettre de partager toutes sortes d’informations ; que ces échanges s’effectuent librement via « le mur » de chacun des membres auquel tout un chacun peut accéder si son titulaire n’ a pas apporté de restrictions ; qu’il s’en suit que ce réseau doit être nécessairement considéré , au regard de sa finalité et de son organisation, comme un espace public ; qu’il appartient en conséquence à celui qui souhaite conserver la confidentialité de ses propos tenus sur Facebook, soit d’adopter les fonctionnalités idoines offertes par ce site, soit de s’assurer préalablement auprès de son interlocuteur qu’il a limité l’accès à son «mur» ;

La seconde insiste sur le fait que le divorce pour faute, pour cause d’adultère, existe toujours et qu’il peut être judicieux de rester discret tant que l’on n’est pas divorcé.  Le juge recadre les choses de la façon suivante :

Cependant, le caractère « officiel » de cette relation extraconjugale divulguée sans pudeur sur un réseau social, alors même que les époux sont encore dans les liens du mariage est, ainsi que l’a relevé à juste titre le premier juge, outrageant pour l’époux, et le prononcé de l’ordonnance de non-conciliation quelques mois avant, ne confère pas à l’épouse une immunité privant de ses effets une telle attitude. Celle-ci constitue une violation grave des devoirs et obligations du mariage et rend intolérable le maintien de la vie commune.

Enfin, si les éléments de preuve obtenus par fraude ne sont pas recevables, il n’y a pas de fraude lorsque que l’ami/e de votre conjoint, que vous avez conservé comme relation Facebook, « partage » à votre ex ce que vous avez librement « partagé » sur Facebook :

Monsieur X demande le retrait de la pièce communiquée par l’intimée au motif que cette pièce a été obtenue par fraude, l’accès au profil d’un utilisateur sur le site Facebook étant limité aux personnes amies. Madame Y soutient la régularité de cette communication au motif que cette pièce a été communiquée à Madame Y par une amie, elle-même amie de Monsieur X, qui a de ce fait eu accès au profil de Monsieur X. La pièce a été remise à Madame Y par Madame Z, ainsi que cette dernière l’atteste ; celle-ci expose avoir eu accès aux pages du profil sur Facebook de Monsieur X grâce à l’autorisation donnée par ce dernier, dont elle est aussi l’amie.

En conséquence, cette pièce ne sera pas rejetée des débats, la fraude n’étant pas établie

On peut donc en tirer 3 leçons si vous avez un profil Facebook et que vous divorcez :

  • Je vérifie ce que j’écris, et à qui je l’écris, quand je poste quelque chose sur Facebook
  • Je me méfie de l’ami/e de mon (ex) ami/e
  • Pour vivre heureux, vivons pudiques

Si vous respectez ces trois principes, cela facilitera grandement le travail de votre avocat.

Neary CLAUDE-LEMANT, Avocat au Barreau de Lille